Colloque « Incl’Usep » : le sport scolaire continue d’avancer dans l’inclusion
L’adaptation du sport scolaire aux enfants en situation de handicap a considérablement progressé depuis la loi de 2005. Mais comment « faire encore mieux ensemble » ? Les acteurs réunis le 3 décembre par l’Usep au CNOSF ont lancé des pistes pour renforcer leur engagement commun.
« L’inclusion : une thématique majeure pour l’Usep, mais aussi un long parcours qui, parfois, a relevé du tâtonnement. » C’est par ces mots que Véronique Moreira a ouvert le colloque Incl’Usep accueilli dans l’amphithéâtre du Comité national olympique et sportif français à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées. Il s’agissait de prendre la mesure de l’inclusion de tous les enfants, quelles que soient leurs singularités, dans le sport scolaire à l’école publique, vingt ans après la loi de 2005 sur l’égalité des chances.
Au début « les réponses restaient prudentes, de l’ordre de l’intégration non sportive, de l’accueil maternant », puis « il y a eu focalisation sur le handicap au détriment de la personne, ce qu’il a fallu inverser pour aboutir à la prise en compte des besoins particuliers de chaque enfant », a rappelé la présidente de l’Usep. Aujourd’hui, « ce sont aux adultes d’adapter les conditions aux enfants, quelles que soient leurs potentialités ». Pour autant, il demeure « un décalage entre l’ambition affichée et la réalité de terrain ». D’où l’enjeu de ce colloque : mesurer le chemin parcouru, mais surtout réunir tous les acteurs concernés (éducation, mouvement sportif et para-sport, médico-social) pour continuer d’accompagner les comités Usep. Ceux-ci étaient d’ailleurs invités à suivre en visio-conférence les deux premiers temps consacrés à l’état des lieux et une table ronde en s’entourant de leurs partenaires locaux : une innovation destinée à relier les débats aux réalités de terrain de chacun d’entre eux1.

État des lieux. Longtemps chargé des pratiques inclusives à l’Usep, Patrick Morel a retracé vingt ans d’avancées sur un chemin balisé par la création d’un pôle dédié, la définition d’une charte et la création de plusieurs outils : mallette, film, fiche puis une carte-navette renseignée à l’avance pour adapter les rencontres en amont… Pour donner un aperçu de ces outils pédagogiques, Laëtitia Loiseau, l’élue nationale qui lui a succédé sur ce dossier, a alors entrainé l’assistance dans une animation autour de la dernière création en date : un « Jeu de main, jeu de citoyens » favorisant la sensibilisation des enfants à la solidarité et au vivre ensemble.
Également membre du groupe de travail « pratiques inclusives », Nicole Patin-Raybaud s’est ensuite appuyée sur une enquête à laquelle ont répondu 30 comités départementaux Usep pour dresser un état des lieux. Les rencontres les plus abouties en termes de pratiques inclusives sont ainsi départementales et accueillent moins de 200 enfants, souvent élèves de CM1-CM2, et toujours d’élémentaire. Les activités, elles, sont variées : opposition en équipe ou en duel, activités athlétiques, de pleine nature, gymniques…
Ces rencontres, qui pour la plupart n’accueillent pas d’enfants d’établissements spécialisés, peuvent combiner des adaptations portant sur « le matériel, le corps, le temps, l’espace, la relation à l’autre ou les règles du jeu ». Plus de la moitié des comités départementaux Usep ayant répondu ont par ailleurs une « démarche structurelle » de mise en œuvre des pratiques inclusives, et 80 % d’entre eux utilisent un ou plusieurs des outils spécifiques mis à leur disposition. Mais ils savent aussi mobiliser d’autres ressources pour animer des temps de réflexion, des jeux de rôle et d’immersion ou des ateliers parasportifs. En parallèle, des associations Usep se rapprochent aussi d’établissements spécialisés pour des projets communs.
Quant aux besoins formulés par les comités, le premier d’entre eux est la formation des enseignants, parents et accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), qu’il s’agisse de formation à la démarche (observation, hypothèses et choix de variables didactiques à modifier pour adapter les rencontres), de l’utilisation des ressources Usep ou des relations avec la Fédération française handisport (handicap moteur principalement) et celle de sport adapté (handicap mental).

Table ronde. Animés par Caroline Fromont, coordinatrice du CLÉMI pour l’académie de Lille, les échanges avec Chloé Traisnel, du Comité paralympique et sportif français, et Jérôme Rousseau, fondateur de l’association handi-valide Novosports, ont permis d’élargir la focale au-delà de l’école. La directrice du développement et des territoires du CPSF a insisté sur le rôle de sensibilisation auprès des jeunes de la Semaine olympique et paralympique, avant de rappeler que « seulement 1,4 % des clubs se déclarent en mesure d’accueillir des personnes en situation de handicap ». C’est pourquoi le CPSF a mis en place le programme « club inclusif » et développé un réseau de référents territoriaux.
Atteint de la maladie des os de verre et se déplaçant en fauteuil électrique, Jérôme Rousseau a insisté sur le « sport partagé » : « tout le monde ensemble sur le terrain, en fonction de ce que chacun est capable de faire ». C’est le leitmotiv de son association, créée avec des pairs de l’UFR Staps de l’université Nanterre-Paris-Ouest et affiliée à l’Ufolep. Ses 150 membres pratiquent la boccia et des versions adaptées du basket – le baskIn – et du volley-ball. Et comme à l’Usep, « si c’est trop facile on n’a pas envie de continuer, et si c’est trop difficile on se sent exclu ». La motivation réside aussi dans le fait que chacun, qu’il soit valide ou en situation de handicap, « peut faire gagner ou perdre son équipe ».
En visio-conférence depuis l’université Clermont-Auvergne, où elle est maîtresse de conférences, Chloé Courtot a ensuite apporté un éclairage sur l’évolution de la représentation du handicap et de la terminologie, du mot « infirmité » au qualificatif d’« inclusif », synonyme d’ouverture à tous.

Aller plus loin. Après avoir laissé les intervenants de la table ronde répondre aux questions du public, le vice-président de l’Usep Geoffroy Noir a replacé l’enjeu de l’inclusion dans le cadre du Projet sportif associatif fédéral, et plus précisément du double objectif d’«ancrer la pratique physique dès le plus jeune âge » et de « former un citoyen sportif bien dans son corps, sa tête, avec les autres et dans son environnement ». Puis il s’est adressé à tous les représentants d’associations et institutions présents dans la salle : « comment faire encore mieux ensemble ? »
Ceux-ci furent nombreux à s’exprimer dans la foulée du sénateur de l’Ariège et ex-professeur des écoles Jean-Jacques Michau, qui a rappelé l’appui que peuvent apporter les parlementaires, en interpelant la haute administration ou les ministres ou en menant des travaux d’évaluation de la loi de 2005. Ces prises de parole1 étaient intégrées en temps réel dans une carte mentale projetée à l’écran : une base de travail pour aller encore plus loin dans la prise en compte du handicap dans le sport scolaire.

(1) Une vingtaine de comités ont profité de ce dispositif. Dans le Tarn, la direction académique de l’Éducation nationale avait par exemple convoqué l’ensemble des conseillers pédagogiques et des représentants de la direction de la Jeunesse et des Sports. En Bourgogne-Franche-Comté et en Bretagne, les comités départementaux Usep s’étaient regroupés à l’échelon régional pour favoriser une dynamique commune. Enfin, le Conseil départemental de l’Indre avait souhaité être partie prenante du colloque et son président Marc Fleuret a coanimé les débats avec le délégué départemental Usep.

(2) Parmi ces interventions, Lucas Guérin (Anestaps) a souligné la collaboration de son association étudiante avec l’Usep et le CPSF autour de la découverte des para-sports. Sonia Duval (INSEI, ici en photo), a notamment insisté sur la formation et la prise en compte des handicaps complexes (saisie des objets, vue très basse, troubles des fonctions cognitives…). David Lelong (SE-Unsa) et François Micheletti, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, interpellé à plusieurs reprises en tant que représentant de l’institution Éducation nationale, sont aussi intervenus sur cet enjeu de la formation. Patricia Alliot-Guichard (Fédération de la randonnée pédestre) a pour sa part fait le lien avec le programme « Apprendre à marcher » qui fait travailler les écoliers sur les différents aspects d’une rando. Alessandra Soleilhac (Cnaf, Caisse nationale des allocations familiales) a insisté sur l’information et la visibilité des actions de l’Usep tandis que Thomas Rouchié, du CLÉMI, a rebondi sur l’idée de favoriser l’intégration d’enfants en situation de handicap parmi les P’tits Reporters de l’Usep. Plusieurs élus de l’Usep se sont également exprimés. Évoquant les échanges avec des classes du Morbihan du navigateur Damien Seguin, engagé dans le Vendée Globe malgré un bras atrophié, le secrétaire général adjoint Laurent Muguet a ainsi souligné l’impact des interventions de sportifs auprès des enfants. Son témoignage faisait écho au rappel, un peu plus tôt, de Sophie Roullé (Dgesco, direction générale de l’enseignement scolaire), du succès rencontré par l’opération Ma classe aux Jeux durant les Jeux paralympiques de Paris. Pierre-Emmanuel Panier, conseiller au ministère de l’Éducation nationale, a insisté pour sa part sur le renforcement du maillage territorial avec les établissements médico-sociaux. Mentionnons aussi les prises de parole de Régis Lemoine pour l’Association nationale des conseillers pédagogiques et autres formateurs (ANCP&AF), de Sébastien Réty pour l’ANARE, Association nationale des réseaux éducatifs (qui englobent les Projets et Dispositifs de réussite éducative, PRE-DRE, et les Cités éducatives), de Jean-Baptiste Chiama (coordinateur du groupe premier degré de l’AE-EPS, association des enseignants d’EPS) et de Sophie Tricoche pour l’Ageem, Association générale des enseignants des écoles maternelles.
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